lundi 29 août 2016

Hal 9000 et ses serviteurs

Il est où l'ennemi ?

page 117 - L'âge du capitalisme tardif est celui de la désacralisation de la création qui court parallèlement à la starisation des créateurs . Les créatifs ne sont plus identifiés à ce qu'il ont pu être : des gens en marge , relevant d'une bohème sociale , représentés symboliquement par des images qui en faisaient des êtres à part ,prophètes inspirés ou artistes maudits . Ils sont désormais considérés comme appartenant à ce que d'aucuns appellent la classe créative et d'autres la classe des manipulateurs de symboles .

Peut-être ici

page 87  - Dorénavant , il y a infiniment plus de révolution dans l'économie que dans l'art : c'est le capitalisme artiste qui peut revendiquer de " changer le monde " et non plus l'art d'avant-garde .

Ou au hasard

page  230 - Le musée Cantini à Marseille consacre , en 1988 , une exposition à Jean-Paul Goude , qui passe ainsi du statut de créatif à celui de créateur . L'heure est à la reconnaissance de la dimension artistique publicitaire : Jacques Séguéla parle de " star stratégie " .

Oh  la jouissance du Lipovetsky et du Serroy à s'en servir de paillasson , à lui cracher dessus , à annoncer sa disparition au profit du créatif - l'inoffensif créatif . Il faut l'annihiler cet irrécupérable , cet inassimilable , ce grand atrabilaire , ce dynamiteur , celui que met à nue toute puissance , toute nuisance ,  celui qui sent leur came et leur discours faisandés à dix kilomètres - l'artiste . C'est l'ennemi , le gêneur de tourner en rond . Un des seuls à rire de leurs sornettes , c'est Tintin aux pays des soviets .

Mais qu'ils sont savants ces deux là , la moindre tendance ne leur échappe - tartinée à longueur de pages . Ce qu'ils tentent de vendre en tant que capitalisme artiste ne restera que comme le temps de l'art-déco  - celui des maquilleurs . D'ailleurs nos deux collabos en bavent d'admiration

page 434 - Il ne s'agit pas de sataniser le capitalisme artiste et le monde de la consommation : en tant que système générateur d'émancipation individuelle et pourvoyeur de plaisirs sans cesse divers et nouveaux , ses mérites esthétiques sont tout sauf secondaires . Et quel autre système est capable d'assurer le bien-être aux milliards d'individus sur la planète ?

Encore , encore essayer de l'éradiquer , mettre en cause sa singularité ou tenter de le faire crouler sous le nombre

page 114 - L'artiste , ce n'est plus l'autre , le prophète , le marginal , l'excentrique : ce peut-être , aussi , moi , tout un chacun . Dans le capitalisme artiste tardif " nous sommes tous artistes "

Le cuisinier , le coiffeur , l'architecte , le boucher , le sportif , le couturier , le parfumeur et qui sait eux aussi .

De l'habillage , cette  fameuse esthétique est donc la vaseline de la marchandise - mot absent de leurs 436 laborieuses pages - en substitution de bonneteau ils disent produit ou objet de consommation . Ils s'efforcent aussi de faire disparaître le concept de classe . Que toute aspérité meurt . C'est une jouissance que de les lire Gilles Lipovetsky et Jean Serroy , ils sont les Hal 9000 , la voix rêvée du système . Le plus bel exercice de ventriloquie n'ayant jamais existé .

Chapeau bas , bien bas .