mardi 2 juillet 2024

Les lisières et le centre


 

 

 

 Les pionnières sont les plus véloces , les plus coriaces , des guerrières  qui se défendent le mieux , qui se  multiplient à toute berzingue , elles occupent tout le terrain jusqu'au moindre recoin à la première occasion  . L'ortie , la viorne , le chardon , la ronce - des dures à cuire - le liseron et le lierre pas bien loin - puis arrivent les bois-légers , sureaux , sorbiers , noisetiers  et enfin ces grands prédateurs que sont les arbres . C'est cette immuable succession  sur des terrains laissés en libre évolution que Gilles Clément nomme le jardin en mouvement . Il faut comprendre dans le terme jardin une nature avec quelques interventions - une forme de land art - des allées tracées à la débroussailleuse , une plante exotique importée pour faire jolie . Les fleurs omniprésentes en justification elles savent plaire aux insectes et aux hommes -  sans elles les photos rendent moins bien . Ici nul fruit ou légume - à regarder son potager dans la Creuse , il faut mieux repérer un magasin sur le chemin . C'est ce crédo qu'il répète dans un livre récent intitulé Notre-Dame-des-Plantes , ne pas reconstruire la cathédrale , mais la transformer en serre avec une toiture en verre et tout autour appliquer la fameuse méthode . Plus de statuaire mais des buissons épineux où les passants viendront s'accrocher afin que leur sang  nourrisse la terre 

C'est souvent ainsi les oppositions quand l'une s'enfonce dans sa barbarie , l'autre en rajoute dans le sens inverse pour tenter de la conjurer  . D'un côté l'agriculture intensive et sa folle rationalité , de l'autre une tentative de déprise jusqu'à la négation du jardin même . Il y a la théorie et les résultats - parfois un constat devient un concept . Avant tout regarder , par exemple au parc André Citroën à Paris où une partie est labellisée en " mouvement " . Non pas celui de tous les jardins , des plantes qui prennent leurs places où des surprises - des pavots ici , des molènes par là - non celui du concept . Regarder ah , ah oui tiens il y a des fleurs , c'est bien chouette ,  puis les annuelles disparaissent supplantées par les bisannuelles  ... puis  du fouillis végétal ou plus rien du tout . Après tout ce fût  une façon d'apporter à domicile aux urbains une part de " sauvage " . A moins qu'autre chose ne soit en jeu dans cet éloge de la friche , de la disparition des formes qui sont constitutives des abris provisoires . Ces mouvements à l'unisson du reste - à la shaker - les vents se lèvent .  L'herbe ondule , les buissons bruissent , les halliers tremblent , les arbres frémissent , une main semble caresser ce pays . Ce ne peut qu'être elle aussi à l'œuvre ici - la fameuse main devenue invisible