Enfourcher les chimères
Elles volent plus ou moins
Cela dépend du monde qu'elles embarquent
Il dit en riant
- Il y a les bruits universels des manducations
Il y a la création
Et puis voilà
En 1587 à la fin de la bataille d'Auneau les corps des reitres et de leurs chevaux étaient si nombreux qu'ils furent halés pour combler les fossés de la ville .
Des tombereaux d'images ingérées quotidiennement - il semble que le fossé entre le vu et le vécu s'élargisse irrémédiablement
Les pionnières sont les plus véloces , les plus coriaces , des guerrières qui se défendent le mieux , qui se multiplient à toute berzingue , elles occupent tout le terrain jusqu'au moindre recoin à la première occasion . L'ortie , la viorne , le chardon , la ronce - des dures à cuire - le liseron et le lierre pas bien loin - puis arrivent les bois-légers , sureaux , sorbiers , noisetiers et enfin ces grands prédateurs que sont les arbres . C'est cette immuable succession sur des terrains laissés en libre évolution que Gilles Clément nomme le jardin en mouvement . Il faut comprendre dans le terme jardin une nature avec quelques interventions - une forme de land art - des allées tracées à la débroussailleuse , une plante exotique importée pour faire jolie . Les fleurs omniprésentes en justification elles savent plaire aux insectes et aux hommes - sans elles les photos rendent moins bien . Ici nul fruit ou légume - à regarder son potager dans la Creuse , il faut mieux repérer un magasin sur le chemin . C'est ce crédo qu'il répète dans un livre récent intitulé Notre-Dame-des-Plantes , ne pas reconstruire la cathédrale , mais la transformer en serre avec une toiture en verre et tout autour appliquer la fameuse méthode . Plus de statuaire mais des buissons épineux où les passants viendront s'accrocher afin que leur sang nourrisse la terre
C'est souvent ainsi les oppositions quand l'une s'enfonce dans sa barbarie , l'autre en rajoute dans le sens inverse pour tenter de la conjurer . D'un côté l'agriculture intensive et sa folle rationalité , de l'autre une tentative de déprise jusqu'à la négation du jardin même . Il y a la théorie et les résultats - parfois un constat devient un concept . Avant tout regarder , par exemple au parc André Citroën à Paris où une partie est labellisée en " mouvement " . Non pas celui de tous les jardins , des plantes qui prennent leurs places où des surprises - des pavots ici , des molènes par là - non celui du concept . Regarder ah , ah oui tiens il y a des fleurs , c'est bien chouette , puis les annuelles disparaissent supplantées par les bisannuelles ... puis du fouillis végétal ou plus rien du tout . Après tout ce fût une façon d'apporter à domicile aux urbains une part de " sauvage " . A moins qu'autre chose ne soit en jeu dans cet éloge de la friche , de la disparition des formes qui sont constitutives des abris provisoires . Ces mouvements à l'unisson du reste - à la shaker - les vents se lèvent . L'herbe ondule , les buissons bruissent , les halliers tremblent , les arbres frémissent , une main semble caresser ce pays . Ce ne peut qu'être elle aussi à l'œuvre ici - la fameuse main devenue invisible
Il dit en riant
- Ils ont la nostalgie
De ce rêve enfouie en eux et de ses résurgences
Écouter à nouveaux les oracles de la Pythie
Ils arrivent
Les jolies plantes essaiment sur les trottoirs , dans les parcs , aux terrasses - partout
C'est l'été
Jambes et épaules nues offertes aux rayons ensoleillées
Aux regards
Elles rêvent de celui qui leur fera corolle inversée
La famille , les amis , les animaux de compagnie , les relations professionnelles , les voisins
Du parcellaire
Personne ne peut connaitre un parcours , des gestes , des pensées au jour le jour , y compris soi et sa capacité d'oubli
Mais il est là jamais bien loin , dans la poche ou sur la table , dans le lit ou en en voiture
Il est le témoin
C'est une fan absolue de mode
Ce qu'elle préfère
C'est quand je pose mes griffes sur ses rotondités
Des corps broyés innombrables jonchant les champs de bataille . Sur cet humus souvent pousse la revanche . Il y a des peuples qui bifurquent , qui savent tirer les leçons des catastrophes . C'est l'intelligence de la Suisse , ce pays où coexistent plusieurs langues . C'est si rare d'échapper au centralisme ou que l'autre devienne le déversoir . Cela n'empêche pas de construire des abris anti-atomique , on sait jamais . C'est cela aussi une œuvre , un abri , un réceptacle - une tentative de témoignage - une plate-forme pour ceux qui viennent s'y poser . Dada ne pouvait naître qu'ici en regardant la folie des hommes et en élaborant une réponse à leur hauteur . Les artistes suisses essaiment ils partent chez leurs grands voisins , pour revenir parfois . Ces allers-retours pour mieux dire aux autres un grand bonjour à la suisse - Coucou !
Forger son langage ce qui se nomme style y ajouter de l'esthétique cela donne les livres d'artistes . Dans ce fort volume édité par Les Cahiers dessinés intitulé justement Le Livre libre est exposé le meilleur de cet alliage produit en suisse romande . Les textes sont assez succincts mais les découvertes nombreuses - mon tout est rangé par ordre chronologique . Chacun porte un univers , celui de Charles-Auguste Humbert et son Gargantua tout enluminé est d'une luxuriance rabelaisienne . Gérard de Palézieux et ses paysages intérieurs et extérieurs telles des îles - il est le plus japonais des suisses et il y en a tant . Ils partagent de nombreuses similitudes . Robert Hainard et la justesse incarnée dans ses bois gravés représentant les animaux qui en sont issus - Paul Jouve pas bien loin dans le décor . Animaux cachés derrière les Feuilles d'automne de Philippe Robert - en explosion de couleurs . Feuilles qui en s'écartant dévoilent les visions de Pietro Sarto . Léo Maillet et son graphisme d'angoisses , traqué puis réfugié en Suisse pour désigner tout cela il disait - " On ne peut rien penser d'une telle histoire . L'Europe est trop bête " .Sans oublier les éditeurs passionnées que furent Henri-Louis Mermod , Fernand-André Parisod talentueux typographe , François-Louis Schmied et sa méticulosité , l'inévitable Albert Skira . Beaucoup de pépites désormais disponibles qu'à prix d'or sur des sites spécialisés . Elles mériteraient d'être rééditées pour trouver de nouveaux amateurs , pour que leurs beautés fassent pétiller à nouveau les regards
Les sensations , l'expérience du monde , transmutées dans un langage propre - reconnaissable . Cette tentative " artiste " d'être au plus proche de la retranscription . Il y a les défricheurs , les affineurs et les suiveurs - une nouvelle façon d'exprimer s'invente , fait école , certains s'en emparent avec talents puis des milliers l'ânonnent . Nombreux trouvent style puis ils s'y lovent - ils deviennent leur répétition . Encouragés par la difficulté à percer - il y a tellement de prétendants - qu'une fois arrivé ... Par les galeristes ou éditeurs qui ne souhaitent pas que leurs poulains désarçonnent le public laborieusement conquit ou tout simplement que c'est la seule corde à leur arc . Ils sont dans le monolinguisme . Ce qui fait le charme et la force du livre d'artiste - même si il y a dans le lot beaucoup d'inaboutissements - c'est la prouesse du bilinguisme - illustration et écrit - alors que la majorité n'en baragouine qu'une . Les polyglottes si rares . Pays de frontières - de lisières - la Suisse peut s'enorgueillir d'en accueillir - ils volent des morceaux d'étoiles pour les glisser dans les pages de leurs livres - ils forment diadèmes .
Il dit en riant
- Les partis politiques ressemblent aux coopératives , aux associations , aux mutuelles
Il y a leurs constitutions puis assez rapidement elles suivent leurs logiques propres