Il dit en riant
- Les consommateurs ou les supporters il n'y a qu'eux qui restent sur place
Nous étions là
Imbriqués l'un à l'autre
Plus proche ce n'était pas possible
A faire la même chose
Pas pour les mêmes raisons
Ce n'est pas bien grave
Relier avec une passerelle , un pont ou un tunnel , l'île de Ré ou celle de Noirmoutier , l'Angleterre même , le Mont-Saint-Michel ou Venise au moyen d'un plus ou moins large ruban - c'est devenu une presqu'île . Cette attache telle une laisse - celle de la domestication . Un flux continu d'hommes et de marchandises peut désormais passer en toutes saisons . La facilité est cette grande tentatrice souvent pourvoyeuse de destructions ou de désillusions . C'est ce que décrit Petra Reski cette fine observatrice dans son livre Venise n'est pas à vendre - une aqua alta de touristes permanente où l'habitant est dépossédé de sa ville . Elle raconte le cheval de Troie des plateformes de location d'appartements . Beaucoup de vénitiens préfèrent vivre sur le continent et toucher les dividendes . Tout un écosystème reproduisant le biotope des grandes villes s'y greffe . Nourriture à emporter ou à se faire livrer - se faire livrer est peut-être une des choses les plus étrange au monde . Des magasins de souvenirs et des supérettes qui font disparaitre les commerces de bouche locaux . De grandes chaines qui s'installent aussi et bien sur les classiques enseignes de " luxe " - bon ce n'est pas Gersaint . Prononcer meublé cela ne sonne du tout pareil - non pas du tout - c'est souvent la même chose mais avec une autre dénomination - un anglicisme c'est plus peep-show . Les plus beaux villages , les plus belles villes sont dans les viseurs . Il y en a-t-il actuellement en construction qui vaudront un jour le détour ? Les villes modernes feront-elles de belles ruines ? Avec les normes de construction actuelles - Venise ne pourrait pas exister . Ils viennent du monde entier pour le constater . Elle est encore présente cette chimère née du mariage du commerce , d'une esthétique et d'un peuple . Ils recherchent sans le savoir , les narines frémissantes les effluves de ce parfum évaporé . Celui qui flottait dans les canaux et autour des palais - un mélange de stucs et de stupres - de luxe et de luxure . Un parfum désormais évaporé à la recette perdue . Il viennent voir l'argent qui savait encore se transmuter . Ils viennent voir les reliefs , ils viennent voir ce qui n'existe plus , ils viennent voir la nostalgie , ils viennent voir qu'il n'y a plus qu'eux . Après tout dans cette autre cité née du commerce et du goût des choses - à Pétra , les nabatéens disparus , ne reste que des tombeaux . En retournant chez eux lestés de nouvelles expériences - ah l'expérience - ils passent d'un caveau l'autre
Plusieurs fois je me suis fais avoir , de ne pas photographier un livre avant de le chroniquer . Entre la tasse de café ou le verre de vin renversé dessus et les échappées des mains et paf dans le gravier ou dans une flaque ou dans l'assiette . Sans compter ces couvertures se délitant au bout de quelques maniements et qui finissent cornées ou détachées . Parfois aussi elles sont marquées des traits de crayons ayant glissés subrepticement de l'intérieur des pages à l'extérieur . Les annotations sont consubstantielles à la lecture - elles sont via ferrata pour la relecture qui peut être quelques jours , semaines ou années après . Le plaisir d'en trouver des précédentes d'autres lecteurs - tiens quelqu'un est passé ici - et il a laissé traces de pensées . Toutes ces cicatrices qui viennent marquer la chair du texte - si il en vaut le coup . Un texte vierge en fin de lecture c'est un texte sans accroche . C'est pour cela que photographier un livre dès son arrivée , n'est pas une si mauvaise idée que ça . Après tout il se dit qu'ouvrir un livre , c'est tirer la couverture à soi . Il se dit tellement de choses
Cela va être un tsunami non pas du gadget à la casque de réalité virtuelle ou lunettes connectées . Non de la hype de chez hype - rien de moins . L'objet indispensable - celui à en rêver la nuit - celui du désir . Vous vous demandez ce qu'il peut être ? Ah ! Ah ! La tension monte . Un objet durable à la fois écologique et technologique . A la pointe de la technologie - sur la tête . Cet objet unique sera ....Il sera une casquette solaire et oui - afin que que chacun puisse être autonome et singulier . Toujours branché ! Plus de problème pour recharger son ordinateur de poche , plus de problème pour la batterie du casque audio . Ces casques englobant les oreilles qui font immédiatement penser à un moyen de communication avec les extraterrestres made in la soupe aux choux . Avec cette casquette vous ne serez plus un gland vous porterez la prochaine médaille d'or du concours Lépine - et ça , et ça ce n'est pas rien , c'est beaucoup .
- Tu l'as cette appli ?
- Non et toi celle la ?
- Non plus
- Et celle la ?
- Non elle fait quoi ?
- Quand tu vas au restaurant à plusieurs , elle permet de calculer au centime près la quote-part de chacun
- Mais c'est incroyablement révolutionnaire et indispensable
- Et ouais . Tu vas l'installer ?
- Non
- Quand penses tu ?
- Tu sais en un sens toutes ces applis c'est de l'origami . Et roulez cocottes
Ils se mirent en rires terribles
Nicolas Chauvin vient de réceptionner le ballon , deux joueurs adverses lancés comme des balles viennent le percuter avec élan de toute leur masse - un tampon monumental . Il ne se relèvera pas . C'est ce que raconte son père Philippe Chauvin dans ce livre intitulé - Rugby , mourir fait partie du jeu . Il raconte l'avant et l'après , son incompréhension et ses souhaits - en quoi une telle action n'est pas conforme à l'esprit de ce jeu et qu'est-il possible de faire pour que cela ne se reproduise pas . Mourir sur le pré c'était l'apanage des duettistes des milliers y sont restés la fine fleur - fauchés comme des pâquerettes . Les meilleurs bretteurs - les plus fougueux , les plus braves , les plus experts , les plus fondus se décimèrent . C'est cette volonté toujours présente de se batailler , de se défier - de s'étalonner qui est moteur . Normalement dans cette forme pacifiée d'affrontement qu'est le sport il y a moins de dégâts . Mais dès qu'il y a collision il y a de la casse . D'autant plus quand un jeu transforme sa pratique . Des joueurs surentrainés , et ayant prit de la masse musculaire rendent les percussions violentes . Surement que ce sport touche ses limites - les chocs on dirait du football américain pratiqué sans armure . Pour vendre ce sport d'une part le temps de jeu effectif a augmenté et d'autre part il fallait que le ballon soit le plus visible possible . La mêlée , la touche , les mauls réduits à des rampes de lancement - le profane spectateur n'a que faire d'une maïeutique du ballon . Il veut voir . Alors on lui en a donné . Il ne manque qu'une caméra et un micro dans le ballon . Du mouvement , du mouvement encore plus - pas de temps mort . La dernière blague risible c'est un compte à rebours pour le buteur en cas de pénalité ou de transformation . En équivalence à son époque - toujours plus - de flux financiers , toujours plus de mouvements de marchandises , toujours plus d'images . Nicolas Chauvin est mort de cela du tampon de cette modernité
Les épidémiologistes qui se sont penchés sur le football américain sont effarés . Sans compter les blessures qui laissent des handicaps physiques , c'est les chocs à la tête qui sont les plus traumatiques . C'est une véritable hécatombe . Il n'est pas du tout certain que la tête est vocation à être un sac de frappe . Dans la boxe beaucoup de lésions sont irréversibles . Philippe Chauvin se plaint d'avoir été écouté d'une oreille distraite par la ministre des sports de l'époque Roxana Maracineanu . Il faut se souvenir qu'elle a déroulé le tapis rouge à ce sport en cage le MMA . Comment voulait-il qu'elle soit sensible à un choc entre joueurs alors qu'elle venait de légaliser le tabassage ? C'est la signature du macronisme où à l'instar du libéralisme qu'ils prônent tous les coups sont permis et rien ne doit faire obstacle à son extension . Frapper un homme à terre c'est cela leur idéologie . Attendons avec impatience les études épidémiologiques sur ce " sport de combat " elles promettent d'être édifiantes . La casse des hommes fait partie intégrante de leur projet et malheureusement pour cela il y aura toujours des volontaires . Bonne lecture
En déambulant ils hochent la tête de droite à gauche et de haut en bas - puis dans les autres sens . Ils font et refont mentalement les comptes . Après les frais fixes - habitation , assurances , voitures , électricité , eau , téléphones puis ceux pour les enfants . Les autres aussi , les petits plaisirs et l'alimentation , sans oublier les ponctions de l'État sur ce qui reste . Il ne reste pas grand chose justement . C'est pas terrible , c'est vraiment moyen de chez moyen . C'est pour cela que les économistes les nomment - la classe moyenne
Au gré des modes des couples se forment , le rottweiller et son vigile , le lévrier afghan et sa bourgeoise cheveux au vent , le labrador et monsieur tout-le-monde , le mini chien et son maxi sac à main , le pitbull et son gars de quartier , le bichon maltais et sa mamie , le berger allemand et Jean-Pierre Hutin . Le berger allemand dressé au mordant en parfait défenseur des maisons de campagne . Il était le chien de garde d'une époque . Ces grandes vagues d'engouement pour une race sont souvent catastrophe . Les éleveurs se mettent à en sortir à tire-larigot et tous ne sont pas viables - maladies diverses en perspective . Pour les bergers allemands c'était en mode tremplin à ski - le train arrière surbaissé et la dysplasie pas bien loin . C'est ce qui est arrivé à Mabrouk mort à six ans d'une maladie du sang . C'est ce que retrace Jean-Pierre Hutin le fondateur de l'émission 30 millions d'amis dans ce livre sensible . Un compagnon de tous les jours qui disparait c'est un bloc de banquise des années passées ensemble qui craquelle puis se disloque - tombant dans l'océan - nous laissant seul et gardien imparfait de sa mémoire
Mettre à disposition tous les stupéfiants - des doux type cannabis , chocolat ou café ou des durs : héroïne , méthamphétamine , cocaïne . Rajouter dans ce buffet à volonté le sucre . C'était le protocole d'une expérience avec des rats pour cobayes menée par des scientifiques pour déterminer des degrés d'addiction . Ce fût orgiaques de vrais rockers en tournée à s'en dynamiter les synapses . Après avoir tout essayé ils constatèrent la lassitude gagnant les ratons sauf oui sauf pour le sucre . De la vraie bonne came raffinée ou pas à s'en gaver à s'en faire péter la panse . On aurait dit à la fin une troupe de sosies d'Elvis Presley carburant au beurre de cacahuètes . Il était temps d'y mettre fin . Ce fût ce cocktail tant attendu qui débarqua sur la télévision avec TF1 - un mélange d'émission de variétés , de sports , de faits-divers , d'un peu de tout , d'un peu de rien aussi vite vu qu'oublié . Un cocktail coloré et sucré - c'était irrésistible . Du sirupeux totalement dépolitisé , prônant l'ordre . Lequel ? Celui existant , celui du moment , celui profitable pour les affaires . 30 millions d'amis était l'un des ingrédients de ce cocktail . Qui n'aime pas les animaux ? Pas grand monde . Il parait que les vidéos de chats ont toujours autant de succès - l'insignifiant enfin visible . C'est du visuel sucré plus addictif que la plus dure des drogues . De l'imaginaire et de l'occupation clés en main pour des assis c'était avant les systèmes portatifs - le changement c'est que désormais chacun peut composer la recette de son propre fix . Bonne lecture
Chaque balle tirée possède ses stries caractéristiques . Elles permettent d'identifier le type d'arme et le canon dont elle provient . Pour le dire autrement , dans une coulée , une oreille attentive sait reconnaitre l'animal qui passe - sa corpulence , sa démarche , sa race , son caractère , l'épaisseur de son poil . Un biographe est celui qui tente d'interpréter les traces d'une trajectoire . C'est ce que fait Dominique Jarrassé dans son livre Osiris - Mécène juif - Nationaliste français . Il dresse avec brio le panorama d'une époque et d'une bourgeoisie juive , les Pereire , les Camondo , les Rothschild et tant d'autres - tous des fils adoptifs qui à coups de prodigalités aristocratiques devinrent des fils définitifs de ce pays . Daniel Iffla ( 1825-1907) fût l'un d'eux puis il décida de devenir Osiris . Pourquoi ? Nul ne le sait . C'est le mystère des hommes - il nous en reste quelques éclats - parfois leurs décisions leurs échappent aussi . Daniel était le prénom de son grand-père - traditionnel hommage aux générations précédentes . Osiris est celui qu'il s'est choisi en affirmation . Iffla signifierait " il réussira " c'est de bonne augure pour la prospérité , on peut aussi l'entendre par il réussira à devenir Osiris - ce dieu des morts - et lui désormais prêt à rejouer tragédies et munificence mêlées . Passer de Bordeaux à Paris , faire fortune à coup d'agiotages . Épouser Léonie , elle est catholique , tout est beau mais le destin est en embuscade . Elle décède emportant avec elle les deux enfants qu'elle portait . Plus que les ailes noires de la tristesse et du désespoir pour survoler sa désolation pour envelopper le monde et soi dans ses plumes . Rester fidèle à l'être aimé . Porter ce désir d'un tombeau commun à une époque où les juifs et les catholiques ne pouvaient être enterrés ensemble . Tenter de sculpter le réel avec son argent - en faire un instrument de mémoire . Rendre visite fréquemment à son notaire - transformer son testament en autobiographie . La vie s'est arrêtée un moment , vouloir la transmuter - la figer - dans ce qui lui parait le plus durable - la pierre . Relever des tombeaux de gloires oubliées , poser des plaques de marbre en hommage aux siens et en fidélité au culte séphardi dans laquelle il s'inscrit et ériger des statues autant que possible . Des monumentales telles la Jeanne d'Arc de Nancy en reconnaissance à la terre d'accueil , une de Musset ombragée par un saule en mémoire du romantisme qu'il aima , une autre de Guillaume Tell à Lausanne sous le patronage de la liberté et de Juliette Adam et beaucoup de bustes et des plus petites statues présentes dans la galerie d'art de son hôtel particulier . L'une particulièrement , vivre avec elle tous les jours , le Moïse de Michel-Ange avant de le retrouver pour l'éternité en vigie sur sa tombe - des statues en autant de cénotaphes
Dormir dans sa chambre sous les auspices de Marie-Antoinette et de Charles Ier d'Angleterre - deux souverains décapités - dans un coin de la pièce un buste en terre cuite de Louis XVII au funeste destin - une atmosphère . Racheter Malmaison et ses amours défunts - ce ne pouvait être une propriété avec un autre nom - en faire donation à l'État . Acheter le château de la Tour Blanche dans son bordelais natal puis le donner à l'État pour qu'il devienne lycée viticole - une transmission . La tour n'a jamais existé - c'était le nom d'un ancien propriétaire Monsieur De Latour Blanche - il n'y avait qu'un pigeonnier - il l'avait trouvé d'instinct cet endroit lui le veuf à la tour abolie . Ouvrir la caisse de bois clouée , elle ressemble à un cercueil . Regarder le vin couleur or carat - déboucher la bouteille - plop - s'en verser un verre . Humer longuement , des arômes de fruits confits en macération - le porter à ses lèvres . De la matière en bouche - cette matière qui fait que les Sauternes sont taillés pour défier les années - du sucre aussi , beaucoup pour adoucir l'amertume et anesthésier les douleurs . Coulent sur la paroi intérieure du verre de longues jambes d'alcool , elles sont là en bouche lianes rhizomiques enserrant le palais . Ce palais dont il devient un instant prolongé le compagnon . Penser aux autres palais désertés juste bons à s'emplir de collections . Porter à nouveau aux lèvres le liquide mordoré - oui - boire du Sauternes s'est embrasser à pleine bouche la mort - et le sucre est son baiser . Un arrière-goût toujours présent il est celui du botrytis cinerea , un goût champignonesque - celui de la putréfaction .Ce drapé interminable et dansant dans entre les dents , nappe les papilles gustatives il est identique à ceux recouvrant les catafalques . Des synagogues , des pavillons à droite et à gauche , quelques plaques de remerciements pour les dons , un prix triennal de l'Institut Pasteur dont il fût le plus important mécène - souvent un nom de rue , de musée , de bâtiment , de prix ... n'est plus qu'un nom . Les coulées s'estompent , se referment , s'enfoncent dans l'obscurité des forêts du temps , parfois un promeneur ou un lecteur passe et pousse délicatement les branches pour retrouver traces . Bonne lecture